L’Europe du congrès de Vienne et la Sainte Alliance (1815 – 1830)
La défaite de la France napoléonienne en 1815 marque, pour les grands acteurs du jeu européen, le glas de la « folie révolutionnaire». Au congrès de Vienne, les puissances victorieuses (Angleterre, Russie, Autriche et Prusse) vont tenter de mettre en place un ordre européen. Pour ce faire, deux systèmes d’alliances vont surgir de Vienne : la Quadruple Alliance, qui regroupe les quatre grands, et qui apparaitra très vite stérile du fait des rivalités russo-britanniques, et la Sainte Alliance (Russie, Autriche et Prusse).
L’ordre européen défendu par la Sainte Alliance repose sur une idéologie et des principes clairs. La légitimité politique est monarchique et dynastique, le régime défendu est absolutiste et le christianisme est au premier rang des valeurs défendues (jusqu’en 1918, tous les traités européens commenceront par la mention « au nom du Dieu tout puissant »). De plus, la Sainte Alliance est garante du statu quo à l’échelle européenne : après près de vingt ans de troubles révolutionnaires, elle rejette a priori toute modification des frontières.
Sur cette base, la Sainte Alliance va faire office d’organe de régulation européen. La conférence de Troppau en 1820 va donner carte blanche à l’Autriche pour écraser les révoltes italiennes empruntes d’idéaux nationaux et surtout libéraux : la victoire autrichienne de Rieti (mars 1821) rétabli l’ordre absolutiste dans la péninsule. De même, appuyée par la Russie et l’Autriche, la France (soucieuse de revenir dans le jeu européen) va « rétablir l’ordre » en Espagne où la constitution de Cadix avait été établie (victoire de Trocadéro, 31 aout 1820).
Cette apparence d’ordre européen cache en réalité d’intenses rivalités entre les puissances qui en sont garantes. Dès 1815, Angleterre et Russie s’opposent. D’abord, la Grande Bretagne a peur de la situation d’hégémonie acquise par la Russie après 1815 : dans son constant souci d’équilibre des puissances continentales, elle veut contenir l’Empire des tsars. Ensuite, la situation de déliquescence de l’Empire Ottoman aiguise les appétits des deux leaders européens : l’accès aux mers chaudes voulu par la Russie s’oppose à la volonté britannique de domination de la Méditerranée. Enfin, la progressive montée en puissance des libéraux sur la scène politique anglaise pousse Albion à prendre ses distances avec l’alliance des absolutistes.
Par ailleurs, la volonté de puissance de la Russie s’oppose au principe de statu quo avancé comme fondement de la Sainte Alliance, si bien que c’est l’Autriche de Metternich, la plus menacée par les mouvements révolutionnaires, qui va véritablement en prendre la tête et faire office de « gendarme de l’Europe ».
Ce sont ces rivalités géopolitiques, alliées à une prodigieuse montée en puissance des mouvements libéraux et nationaux, qui vont, petit à petit, rendre caduc l’ordre européen d’Ancien Régime mis en place au traité de Vienne.